L'équipe exécutive de la LOC/MTC (Ligue ouvrière Catholique/Mouvement des Travailleurs Chrétiens du Portugal) et la commission permanente de la HOAC (Confréries Ouvrières d'Action Catholique)[1] a célébré sa réunion annuelle de coordination du 12 au 19 février à Burgos, pour partager et analyser conjointement la vie et l'action des militants -hommes et femmes- des deux mouvements et la situation du monde du travail et de l'Église dans les deux pays.
Nous avons pris comme point de départ, la constatation d'une similitude entre les deux pays en ce qui concerne :
- les taux élevés du chômage existant, qui ont augmenté au cours de la dernière année et nous voyons avec inquiétude qu'ils resteront à la hausse.
- Les dernières réformes du marché du travail n'ont pas freiné les pertes d'emploi, elles ont au contraire produit une dégradation des conditions de travail, une instabilité de l'emploi et des régressions dans la négociation collective...
- Les salaires indécents, souvent misérables, ont pour conséquence l'accroissement d'une bourse de travailleurs pauvres en dépit de leur travail.
- Des campagnes de discrédit envers les organisations de travailleurs.
- Cette situation a produit une baisse du pouvoir acquisitif des travailleurs et a conditionné leurs vies en les obligeant à renoncer à un niveau de vie d'un minimum de dignité.
- Une augmentation de l'insécurité, une sensation de peur et d'incertitude face au futur a surgit...
- Des milliers de jeunes qualifiés, dans les deux pays, doivent partir à l'étranger, laisser leur terre et leurs familles pour chercher un futur.
La réalité que nous vivons ne laisse aucun doute. La manière selon laquelle nous organisons notre vie sociale n'est pas centrée sur l'être humain : le plus important n'est pas la personne mais la rentabilité économique. La conséquence de tout cela est évidente : les hommes et les femmes du monde du travail, en particulier les personnes vulnérables et exclues, sont les victimes qui supportent le poids des résultats de la crise. Les cas de corruption, divulgués récemment, qui se sont produits dans plusieurs organisations économiques et politiques ont désillusionné la société. La faim, les dépressions, les suicides... sont les conséquences douloureuses d'un système économique et social, capitaliste, néolibéral, brutal, qui est structurellement injuste et qui s'éloigne du plan divin d'un monde fraternel. L'Église est très claire dans ce sens et nous rappelle dans le catéchisme que "les trafiquants dont les pratiques usuraires et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères les hommes, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable". (CIC 2269)
Les politiques de privatisation et d'austérité imposées par l'Union européenne et les pouvoirs économiques financiers, auxquelles nos gouvernements se sont pliés de façon absolue, n'ont pas résolu le problème du déficit public ni le paiement de la dette. Nous pensons que l'une des raisons principales de cette situation d'appauvrissement vertigineux de personnes et de familles entières, est constituée par les décisions politiques prises et leurs conséquences désastreuses.
Cette réalité nous amène a nous demander quelle est l'Europe que nous avons aujourd'hui et quelle est l'Europe que nous voulons et que nous devons construire. Une Europe formée de pays riches et pauvres? Une Europe qui n'a plus de respect pour les droits sociaux obtenus par tant d'efforts du mouvement ouvrier et des hommes et des femmes qui ont forcé l'histoire pour y parvenir?
Cette réalité sociale génère beaucoup de souffrance. Un grand nombre de personnes a besoin de sentir que les choses peuvent changer et que leurs vies et celles de leurs familles peuvent être érigées de façon différente : sentir que la fraternité et la communion cimentent les relations personnelles et sociales, savoir que le système politique, les institutions, les lois et les décisions politiques et économiques recherchent le bien commun, sentir qu'ils sont les acteurs de leurs vies... Vraiment, ils ont besoin, nous avons besoin d'une Bonne Nouvelle pour les pauvres. Nous pensons que la situation est tellement urgente pour tant de familles, qu'une réponse immédiate est nécessaire, mais nous ne pouvons pas nous contenter de ces réponses. La charité a besoin de la justice pour être la vraie charité. Nous devons analyser les causes de cette situation d'appauvrissement pour les combattre et tenter de rectifier cet état de régression des droits sociaux et de faillite de la démocratie.
En tant que mouvements de l'Église dans le monde ouvrier et de l'emploi, nous voulons faire connaître et expérimenter la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, au fil de la réalité que nous vivons. A partir de notre conscience de travailleurs et travailleuses chrétiens, nous nous posons des questions, sur la situation de la vie sociale et l'action politique qui loin de répondre aux besoins de toute personne et de toutes les personnes, les appauvrit et les déshumanise. Malgré tout cela, nous éprouvons le besoin de dire clairement qu'une autre politique est possible et nécessaire
Dans l'Évangile, Jésus de Nazareth nous répète à tout moment que nous devons rester auprès des nécessiteux, nous intéresser à ceux qui sont les derniers, et nous approcher de ceux qui "sont assis sur le bord du chemin" (Lc 18, 35). C'est pour cela qu'à partir de l'Évangile, nous voulons annoncer qu'il est possible de construire une vie sociale et de développer une action politique centrée sur les hommes et les femmes, qui affirmera que la personne tient la première place... Cela suppose que nous devons orienter nos vies, personnellement et socialement, ainsi que l'activité politique, à partir de la communion, à partir des nécessités de ceux qui se sont appauvris.
Nous déclarons également que Dieu agit selon cette même réalité. De nombreuses initiatives de personnes et organisation sociales, politiques et syndicales, nous montrent une autre façon de construire cette réalité à partir de l'action politique. Le changement est possible. Face aux vents d'appauvrissement et de déshumanisation, un passage s'ouvre aux brises de la solidarité, la transformation et l'espérance Les hommes et les femmes qui militons dans nos mouvements, voulons suivre avec attention toutes les personnes et les épisodes de leurs vies, en célébrant et en vivant la force du Ressuscité, pour continuer à travailler en faveur d'une action qui transformera le monde de l'ouvrier et du travail.
Burgos, 19 février 2013.
[1] Hermandad obrera de Acción Católica, en espagnol.