Les travaux réalisés par les groupes de travail ont permis de partager la situation actuelle des droits sociaux des travailleurs et des travailleuses à l’échelle mondiale, de prendre conscience de leur violation systématique, d’illustrer cette situation à la lumière de l’Evangile et de la Doctrine Sociale de l’Eglise, et de formuler des pistes d’action au niveau international. Les délégués ont pu présenter leur vie et celle de leur mouvement, découvrir d’autres situations, analyser les problèmes communs, et s’engager à réaliser certaines actions pour résoudre lesdits problèmes.
- I. VOIR: RECUL DES DROITS SOCIAUX DES TRAVAILLEURS DANS UN CONTEXTE DE CRISE MONDIALE
La présentation des situations par les différents délégués montre la grande souffrance de nombre de familles de travailleurs sur tous les continents. Elle montre une humanité endolorie par le non respect des droits les plus fondamentaux. Les délégués ont pu constater les conséquences de la crise économique et financière: Perte des acquis sociaux, augmentation du chômage, précarisation de l’emploi, situation d’esclavage de nombreux travailleurs migrants, employées domestiques dans le monde entier dont le travail n’est pas reconnu, salaires de misère, journées de travail interminables, jeunes sans avenir par manque d’opportunités de travail. Des millions de travailleurs sont privés de sécurité sociale et n’ont pas une protection sociale suffisante. D’autres situations sont particulièrement préoccupantes telles que le non accès des migrants sans papiers aux soins de santé ou les pensions de misère auxquelles a droit toute une génération de travailleurs accédant à la retraite. Nous assistons aussi à la privatisation croissante de services publics tels que la santé, l’éducation, l’assistance juridique.
Dans notre partage, nous avons constaté que ces situations étaient provoquées par:UN MODELE ECONOMIQUE CONTRAIRE AUX DROITS SOCIAUX, un modèle fondé sur la marchandisation du travail et de la vie sociale, sur la primauté de l’économie financière sur l’économie productive, un modèle qui épuise les ressources existantes pour les mettre au service de la rentabilité économique d’une minorité, sans aucun contrôle social ou politique.
UNE POLITIQUE AYANT PERDU LE SENS DE LA JUSTICE ET DE LA FRATERNITE. On observe une perte de pouvoir de la société civile, une participation et une prise de décision affaiblies par rapport aux aspects les plus fondamentaux de notre vie sociale et familiale. Une politique qui est basée sur l’accumulation de la richesse aux dépens de milliers de travailleurs et des ressources naturelles de notre planète. L’action politique en faveur du bien commun s’évanouit pour faire place à l’immoralité et à la déshumanisation.
UNE CULTURE SOCIALE OPPOSEE A LA FRATERNITE ET A LA SOLIDARITE, basée sur des relations humaines individualistes et consuméristes, provoquant la peur et l’indifférence face aux événements de la vie et à la souffrance des personnes, nous rendant passifs en nous faisant croire que des alternatives n’existent pas. Une culture qui rend normal ce qui est immoral et affaiblit considérablement le sens de la justice, du bien commun et de la destinée universelle des biens de la Terre. Une culture qui empêche une véritable reconnaissance de nos droits sociaux.
- II. JUGER: QUEL JUGEMENT PORTONS-NOUS SUR LA SITUATION DES DROITS SOCIAUX
Marc 10, 42-45: “ Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur ;
et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous.” Les textes évangéliques et la Doctrine sociale de l’Eglise sont des références claires qui nous permettent de vivre et de marcher vers une société fraternelle et solidaire. Ces textes affirment que la reconnaissance pratique des droits sociaux est une condition au bon fonctionnement d’une société. La dignité des personnes et la justice en faveur des plus appauvris de notre monde, en particulier dans le contexte de crise actuel, exige que des décisions politiques et économiques soient prises pour parvenir à une meilleure redistribution des ressources et à la consolidation d’un développement humain juste et durable.
Le respect des droits des travailleurs et des travailleuses est le critère fondamental de l’organisation de la vie économique, car l’économie doit être au service des besoins des personnes, en particulier des plus vulnérables. La situation de faim et d’esclavage que cette crise provoque auprès de tant d’hommes et de femmes sur notre planète est un scandale pour l’humanité. Nous constatons que notre système capitaliste néolibéral nous empêche de bâtir une société juste, fraternelle et durable. En outre, en tant que chrétiens, nous devons rendre visible notre fragilité comme Eglise a fin de répondre de manière cohérente aux besoins de nos frères et de nos sœurs les plus appauvris au sein de nos communautés, car souvent nous sommes complices d’un mode vie consumériste et individualiste. Nous devons effectuer une démarche de conversion permanente, rendre visibles nos propositions de vie auprès de nos camarades de travail, en leur disant qu’il y a une autre manière de vivre, plus solidaire, plus humaine et plus fraternelle.
- III. AGIR: DEFENDRE LES DROITS SOCIAUX DES TRAVAILLEURS ET DES TRAVAILLEUSES, ET DE TOUTES LES PERSONNES, EST UN DEVOIR DE JUSTICE
En tant que mouvements de travailleurs chrétiens, nous voulons parvenir à une véritable reconnaissance des droits sociaux des travailleurs et des travailleuses. Tout d’abord en diffusant une nouvelle manière de vivre auprès de notre famille, de notre entreprise, dans les organisations sociales, politiques et syndicales, dans nos communautés d’Eglise, en nous opposant aux écueils individuels, environnementaux et structurels qui empêchent la fraternité.
Nous soutenons que:
- Les ressources sont suffisantes pour tous et il s’agit donc de redistribuer la richesse de manière plus équitable.- - Les personnes doivent jouir d’une protection sociale suffisante afin de ne pas être esclaves d’un système capitaliste immoral. C’est la raison pour laquelle il faut combattre ce modèle capitaliste néolibéral.
- - Un autre modèle politique est nécessaire et possible, axé sur la défense de la justice, du bien commun et de la souveraineté des peuples. Nous avons besoin d’une communauté politique internationale mettant en œuvre des politiques de distribution équitable des richesses économiques, sociales et culturelles.
- - Nous devons lutter en faveur de l’élargissement des droits sociaux à l’ensemble de la population mondiale. Nous revendiquons la mise en place d’un Revenu Minimum Universel permettant la subsistance de millions de personnes.
- - Nous voulons un modèle économique et politique qui protège l’environnement et rend la vie humaine possible sur notre planète.
En tant que personnes, mouvements et Eglise nous voulons participer de manière active à cette tâche, c’est pourquoi:
- Nous sommes prêts à vivre notre engagement social et politique au service des personnes, en particulier des travailleurs les plus appauvris.
- Nous nous engageons à impartir une formation à nos membres et à nos communautés à propos de la dimension sociale et politique de la foi.
- Nous nous engageons à ce que notre Eglise et nos mouvements connaissent la situation et défendent les droits sociaux des personnes.
- Nous nous engageons à accueillir la vie des personnes victimes de la privation ou la réduction des droits sociaux, en les rendant actrices du changement.
- Nous nous engageons à participer aux luttes sociales en faveur d’une société plus juste, plus fraternelle et plus durable. Nous voulons participer à la récupération du sens communautaire de la lutte en faveur de la justice, des valeurs portées par les organisations sociales pour combattre la paupérisation et la déshumanisation.
- Nous nous engageons à diffuser et à promouvoir une nouvelle mentalité sociale et politique, une manière de vivre qui permet de croire qu’un autre monde, une autre politique, une autre économie, sont nécessaires et possibles, sachant que nous sommes déjà en train de bâtir ce processus.
Pour ce faire, et comme le souligne le Pape François, nous devons être « une église pauvre, pour les pauvres, au service du monde. Que le Seigneur nous aide dans ce cheminement et nous permette de le vivre dans la joie ».
Assemblée Générale du Mouvement Mondial de Travailleurs Chrétiens Le 24 juillet 2013 Haltern am See, Allemagne