
Le MMTC lit la parole qu'a prononcée le pape Léon XIV aux mouvements populaires, ce jeudi 23 octobre 2025. C'est un texte essentiel. Il confirme l'engagement du pape dans une orientation qui était déjà celle de François. Un refus des injustices mondiales et d'un système injuste. Et surtout, une démarche de pensée, non plus "pour" les pauvres - les périphéries - mais à partir d'eux, de leurs droits "sacrés" à la terre, au logement, au travail. Trois de nos représentantes ont participé à cette assemblée: Xaro Castelló, Anna Luque et Maria del Mar González.
Voici quelques extraits de ce texte que l'on peut retrouver en intégralité depuis ce lien :
"(...) Demander de la terre, un logement et un travail pour les exclus est une « chose nouvelle » ? Vu par les centres de pouvoir mondial, certainement pas ; ceux qui ont la sécurité financière et un logement confortable peuvent considérer ces exigences en quelque sorte dépassées. Les choses vraiment « nouvelles » semblent être les véhicules autonomes, les objets ou vêtements à la mode, les téléphones mobiles haut de gamme, les crypto-monnaies et autres choses de ce genre.
Mais des périphéries, les choses semblent différentes ; la banderole que vous agitez est si actuelle qu’elle mérite un chapitre entier dans la pensée sociale chrétienne sur les exclus dans le monde d’aujourd’hui.
C’est la perspective que j’aimerais transmettre : les choses nouvelles vues de la périphérie et votre engagement qui ne se limite pas à la contestation, mais cherche également des solutions. Souvent, les périphéries réclament justice ; vous ne criez pas « par désespoir » mais « par idéal » : votre cri recherche des solutions dans une société régie par des systèmes injustes. Et vous ne le faites pas avec des microprocesseurs ou des biotechnologies, mais en partant de la base, du terrain, avec la beauté de l’artisanat. C’est de la poésie : vous êtes des « poètes sociaux » [2].
Aujourd’hui, de nouveau, vous portez l’étendard de la terre, du logement et du travail, marchant ensemble d’un centre social – Spin Time – jusqu’au Vatican. Cette marche ensemble témoigne de la vitalité des mouvements populaires, comme bâtisseurs de solidarité dans la diversité. L’Église doit être avec vous : une Église pauvre pour les pauvres, une Église qui s’étend, une Église qui prend des risques, une Église courageuse, prophétique et joyeuse !"
(...) Comme Évêque au Pérou, je suis heureux d’avoir expérimenté une Eglise qui accompagne les personnes dans leurs souffrances, leurs joies, leurs luttes et leurs espérances. C’est un antidote contre une indifférence structurelle qui se diffuse et qui ne prend pas en considération le drame des peuples dépouillés, volés, pillés et contraints à la pauvreté. Souvent, nous nous sentons impuissants face à tout cela, or nous devons contrer ce que j’ai appelé une « mondialisation de l’impuissance » avec une « culture de la réconciliation et de l’engagement » [3]. Les mouvements populaires comblent ce vide généré par le manque d’amour avec le grand miracle de la solidarité, fondée sur le soin du prochain et la réconciliation.
Comme je disais, le discours normalisé sur les « choses nouvelles » – avec leur potentiel et leurs dangers – omet ce qui se passe dans les périphéries. Les personnes au centre sont peu conscientes des problèmes qui concernent les exclus, et lorsqu’on en parle dans les discussions politiques et économiques, il semble que l’on en parle comme d’ « une question qui s’ajoute presque par obligation ou de manière marginale, quand on ne les considère pas comme un pur dommage collatéral. De fait, au moment de l’action concrète, ils sont relégués fréquemment à la dernière place » [4] Au contraire, les pauvres sont au centre de l’Évangile. Ainsi, les communautés marginalisées devraient être incluses dans un engagement collectif et solidaire qui cherche à inverser la tendance déshumanisante des injustices sociales et à promouvoir un développement humain intégral.
En effet, « tant que ne seront pas résolus radicalement les problèmes des pauvres, en renonçant à l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, et en attaquant les causes structurelles de la disparité sociale, les problèmes du monde ne seront pas résolus, ni en définitive aucun problème. La disparité sociale est la racine des maux de la société »
"(...) Dans l’Exhortation apostolique Dilexi te, j’ai voulu rappeler que « il y a eu, et il y a encore, des mouvements populaires variés, constitués de laïcs et guidés par des leaders populaires, souvent soupçonnés et même persécutés ». [13] Pourtant, vos luttes, portées par l’étendard de la terre, du logement et du travail pour un monde meilleur, méritent d’être encouragées. Et tout comme l’Église a accompagné la formation des syndicats dans le passé, nous devons aujourd’hui accompagner les mouvements populaires. Cela signifie accompagner l’humanité, marcher ensemble dans le respect partagé de la dignité humaine et dans le désir commun de justice, d’amour et de paix.
L’Église soutient vos justes luttes pour la terre, le logement et le travail. Comme mon prédécesseur François, je crois que les voies justes partent du niveau local et de la périphérie vers le centre. Vos nombreuses initiatives créatives peuvent se transformer en nouvelles politiques publiques et en droits sociaux. Votre quête est légitime et nécessaire. Qui sait si les graines d’amour que vous semez, aussi petites que des graines de moutarde (cf. Mt 13, 31-32 ; Mc 4, 30-32 ; Lc 13, 18-19), pourront pousser dans un monde plus humain pour tous et aider à mieux gérer les « choses nouvelles ».
